Une jeune salafiste obtient l'annulation de son interdiction de sortie du territoire
La jeune majeure contestait l'amalgame fait, selon elle, entre la volonté de pratiquer un islam rigoureux et le projet de rejoindre Daesh. Dans une décision rare, la neuvième du genre, le tribunal administratif de Paris lui a donné gain de cause, mardi matin.
Ses arguments ont finalement porté. "Ce qui m'a choquée ici, c'est qu'on m'accuse de faire partie d'un groupe terroriste", s'insurgeait une jeune femme de 18 ans. Placée sous le coup d'une interdiction de sortie du territoire dont elle demandait l'annulation, la jeune femme se revendiquant du salafisme a obtenu une décision en sa faveur, contre la requête du rapporteur public. La jeune majeure, 18 ans, obtient aussi une somme de 1.500 euros pour rembourser ses frais d'avocat.
Celle qui porte le "jilbeb" (robe surmontée d'une capuche qui couvre l'ensemble du corps et les cheveux), détaillait avant le jugement, ses aspirations religieuses, selon elle très éloignées de toute velléité de rejoindre Daesh.
"Daesh, c'est la violence, c'est l'égarement. Pour moi, quelqu'un de salafiste, c'est quelqu'un qui va plutôt être un ascète, pieu, qui va avoir un bon comportement. C'est choquant d'assimiler le terrorisme au pacifisme", dénonçait-elle.
Une privation des "libertés les plus fondamentales"
Pour l'avocat de la jeune femme, les choses sont limpides. L'interdiction relevait, en somme, d'une forme de procès d'intention et beaucoup plus grave à ses yeux, d'une atteinte aux libertés fondamentales.
Ces décisions ne sont pas justifiées, car elles reposent sur des rumeurs et des on-dit. Ça prive ma cliente des droits les plus essentiels, c'est-à-dire d'aller et venir, de travailler, d'aller à la faculté, de vivre comme une jeune fille de son âge
argue Me Emmanuel Ludot.
Convertie à l'islam depuis deux ans, la jeune femme avait fait l'objet d'un signalement par sa mère, après une fugue. Pour sa part, le ministère de l'Intérieur estime qu'il existe des risques sérieux pour qu'elle se rende à l'étranger dans le but de participer à des activités terroristes.
Au vu de ces éléments, le rapporteur public avait requis le maintien de l'interdiction de sortie de territoire. En vain.
L'argumentation classique des partisans de Daesh?
Pour le député socialiste Sébastien Pietrasanta, qui avait porté la loi du 13 novembre 2014, la défense de la jeune fille ne consistait qu'en une reprise d'un argument classique des partisans de Daesh.
"C'est facile de dire: 'Oui, je n'ai pas voulu me rendre (auprès de Daesh, NDLR). Oui, je combats Daesh. C'est l'argument habituel des partisans de Daesh. La loi du 13 novembre 2014 avec interdiction de sortie du territoire, elle a permis de sauver plusieurs centaines de vies".
La loi antiterroriste permet l'invalidation du passeport et de la carte nationale d'identité, dès le prononcé de l'interdiction de sortie du territoire. Une soixantaine de recours contre des interdictions de sortie de territoire ont été recensés depuis l'entrée en vigueur de la loi. Seules huit annulations avaient été prononcées avant mardi. C'est donc la neuvième.
Source : BFMTV (David Namias avec Cécile Danré)